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Comment mieux lutter contre les féminicides ? définir juridiquement le contrôle coercitif

Publié le : 07/10/2024 07 octobre oct. 10 2024


PÉNAL | Atteinte à la personne
Cet article a pour objet de présenter quelques pistes permettant d’améliorer la prévention des féminicides en s’attaquant au continuum de violences qui les précèdent, en s’inspirant d’exemples de pays voisins (Belgique, Royaume-Uni) ou plus lointains (Australie, Canada) et en s’appuyant sur des propositions formulées par les associations qui accompagnent les victimes et leurs familles.
Par Marine Chollet, le 04 Octobre 2023

Le collectif Féminicides par compagnons ou ex- recense, au 29 septembre 2023, 81 féminicides commis depuis le 1er janvier, soit un tous les trois jours en moyenne. La publication récente de l’Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple du ministère de l’Intérieur fixe à 145 morts le bilan pour l’année 2022 (143 pour 2021) dont 118 femmes tuées (122 en 2021), auxquels s’ajoutent les infanticides collatéraux (12 enfants tués), les 29 enfants présents lors des faits et les127 orphelins. Les chiffres sont têtus et ne diminuent pas, en dépit des avancées marquées par le Grenelle et relevées par le rapport publié le 14 septembre 2023 par la Cour des comptes sur la grande cause du quinquennat, qui déplore toutefois l’absence de pilotage d’une stratégie de prévention, seule à même de réduire significativement les violences faites aux femmes, qui demeurent massives.
 
Les associations de familles de victimes interpellent régulièrement le gouvernement sur l’inefficacité des politiques publiques en la matière. L’éducation à l’égalité fille-garçon dès le plus jeune âge, la prévention, le dépistage précoce des violences au sein de la famille, la formation de l’ensemble des professionnels de première ligne à l’évaluation du danger sont les clés d’une réduction significative des violences faites aux femmes, et partant, des féminicides, qui sont un phénomène social, aboutissement irréversible d’un continuum de violences envers les femmes, que Christelle Taraud nomme « le continuum féminicidaire »1.

En France, pas moins de cinq lois ont été adoptées depuis 2017, autant de décrets et de circulaires comblant des vides juridiques (la répression de la cyberviolences, la suspension des droits de visite pendant le contrôle judiciaire ou encore l’extension de la circonstance aggravante de conjoint à l’ensemble du spectre des violences), améliorant la protection des victimes (réduction des délais de l’ordonnance de protection, assouplissement du téléphone grave danger, création du bracelet anti-rapprochement) et la prise en compte des auteurs (expérimentation du contrôle judiciaire avec placement probatoire, dispositions sur les permissions de sortir, création des centres de prise en charge des auteurs/CPCA). L’ordonnancement juridique en matière de lutte contre les violences intrafamiliales est désormais complet, voire complexe, et les lois successives, si elles ont créé de véritables avancées, se sont sédimentées sans cadre de référence, sans définition précise des phénomènes constatés, sans stratégie globale, enchevêtrant les dispositifs au civil et au pénal, bouleversant l’office du juge en conférant au juge pénal des attributs civils (l’autorité parentale) et au juge civil des prérogatives pénales (confiscation des armes, bracelet électronique anti-rapprochement).

Cela explique sans doute en partie la difficulté des avocats et des magistrats à s’approprier certaines dispositions récentes (telles que la suspension des droits de visite et d’hébergement dans le cadre du contrôle judiciaire ou encore le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice pour le condamné en correctionnelle). La persistance du phénomène massif des violences intrafamiliales, la stabilité voire l’augmentation du nombre de féminicides dont une part importante fait suite à des signalements ou des plaintes antérieures (31 % en 2022), mais où dans la majorité des cas, les protagonistes étaient inconnus de la justice, nous démontre qu’une étape supplémentaire doit être franchie. Les professionnels manquent d’un cadre unique de référence, d’une structure cohérente dans laquelle s’inscriraient naturellement les pôles spécialisés dont la création prochaine est annoncée au 1er janvier 2024 par le projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice 2023-2027. Ce projet, actuellement renvoyé en commission mixte paritaire à l’issue du vote à l’Assemblée nationale en juillet dernier, suit en cela les préconisations du rapport parlementaire Chandler Vérien remis au gouvernement en mai dernier2 et annonce un décret à paraître à l’automne.

Cet article a pour objet de présenter quelques pistes permettant d’améliorer la prévention des féminicides en s’attaquant au continuum de violences qui les précèdent, en s’inspirant d’exemples de pays voisins (Belgique, Royaume-Uni) ou plus lointains (Australie, Canada) et en s’appuyant sur des propositions formulées par les associations qui accompagnent les victimes et leurs familles.
 

Les exemples étrangers

En 2015, l’Angleterre et le Pays de Galles ont adopté le Serious Crimes Act qui incrimine des comportements de contrôle ou de coercition dans une relation intime ou familiale et fait encourir une peine pouvant aller, selon la procédure suivie, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

En 2018, l’Écosse a voté le Domestic Abuse Act qui incrimine le fait de rendre un conjoint dépendant ou subordonné, de l’isoler de ses amis ou de ses parents, de contrôler, réglementer ou surveiller ses activités quotidiennes, de le priver ou restreindre sa liberté d’action, de l’effrayer, de l’humilier, de le punir. La peine encourue peut aller, selon la procédure suivie, jusqu’à quatorze ans d’emprisonnement. L’Irlande connaît aussi une telle législation, de même que l’État de Tasmanie en Australie suite au Family Violence Act de 2004. L’Australie vient par ailleurs de publier un guide opérationnel sur le contrôle coercitif pour permettre à tous les professionnels de première ligne de dépister de telles violences.

Le Canada pour sa part a fait le choix de l’insérer en 2021 dans sa définition civile de la violence familiale fixée par sa loi sur le divorce3, et des discussions ont actuellement lieu en Ontario sur l’opportunité de criminaliser cette notion, notamment au regard des observations issues des rapports publiés par les coroners qui établissent une analyse criminologique complète des féminicides et émettent des préconisations en ce sens4.

La Cour européenne des droits de l’homme est venue à son tour enrichir le corpus juridique dans un arrêt Tnikova et a. c/ Russie (CEDH 14 déc. 2021, n° 55974/16)5, en employant la notion de contrôle coercitif à propos d’un mari qui surveillait les mouvements de sa femme, la traquait, l’enfermait dans la voiture et menaçait de la tuer. Elle a pointé les lacunes des droits nationaux à ce sujet.

La Belgique, qui déplore huit fois moins de féminicides que la France (18 femmes tuées en 2022 dans un contexte de couple) a également intégré la notion de contrôle coercitif dans son ordonnancement juridique. Mais, plus largement, elle a été, en juin 2023, le premier pays d’Europe à adopter une loi- cadre sur les féminicides et le continuum des violences6. Cette loi permet de donner un cadre de compréhension globale du phénomène féminicidaire en proposant une définition des différents types de féminicides, mais aussi des formes de violences qui les précèdent. Elle s’appuie en cela sur les évolutions législatives initiées en Amérique latine7 mais aussi sur les travaux de recherche menés au niveau international. Conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe et aux lignes directrices fixées par la Convention d’Istanbul, elle crée un comité scientifique ad hoc chargé de l’étude du phénomène féminicidaire afin d’en analyser les causes profondes, les effets et de formuler des recommandations dans un rapport annuel. Elle prévoit également la création d’un outil d’évaluation des risques et enfin prévoit la formation renforcée des magistrats et de la police en la matière.

Sur le fond, cette loi-cadre innove en définissant quatre types de féminicides, dont le « féminicide intime » qui nous intéresse au premier chef, mais décrypte également tous les types de violences qui y conduisent. Ainsi elle s’attache à lister l’ensemble des violences intimes parmi lesquelles le contrôle coercitif et du comportement coercitif défini comme « un acte ou une série d’actes d’agression, de menaces d’humiliation ou d’intimidation ou d’autres abus utilisés pour blesser, punir ou effrayer la victime ». De manière très pragmatique, elle propose une grille d’analyse aux professionnels en précisant ce que recouvrent les comportements contrôlants comme « un ensemble d’actes visant à rendre une personne subordonnée ou dépendante en l’isolant de ses sources de soutien, en exploitant ses ressources et ses capacités à des fins personnelles, en la privant des moyens nécessaires à son indépendance, à sa résistance et à sa fuite, ou en réglementant son comportement quotidien ».

On relèvera que cette définition permet d’englober tout type de violences, y compris les plus sournoises et les plus discrètes, telles que les violences économiques, les violences administratives, la micro-régulation des comportements et l’isolement de la victime, qui constitue une atteinte à sa liberté d’aller et venir, et sont difficilement saisies par les magistrats lorsqu’ils statuent sur des faits ou des périodes isolées, dans des procédures parallèles qui ne se répondent pas toujours, au civil et au pénal.

Cette loi belge constitue une avancée majeure, et démontre que l’exercice de définition est indispensable à la bonne compréhension du phénomène et son appréhension par les professionnels confrontés à ces violences polymorphes et parfois sous-estimées.

Pourquoi la notion d’emprise est-elle insuffisante ?

La notion d’emprise, introduite dans le code pénal à l’article 226-14 par la loi du 30 juillet 2020, même si elle n’est pas définie par les textes, est intégrée dans les formations en direction des magistrats et des avocats. Elle est parfaitement connue et identifiée par les professionnels œuvrant au contact des victimes au sein des associations spécialisées et permet de donner des clés de compréhension sur le comportement parfois ambivalent de la victime à l’égard de son agresseur. Elle est désormais mieux identifiée par le grand public notamment grâce à des campagnes de communication telles que le spot « EyeMoney » de Solidarité Femmes.

Mais l’emprise est une notion qui s’attache aux conséquences du comportement violent sur la victime et lorsqu’elle est détectée, il est parfois trop tard et, en tout état de cause, la victime souffre déjà de dommages importants sur le plan psychique. C’est pour cette raison que la notion de contrôle coercitif, qui émerge dans le débat public en France, grâce aux travaux de la recherche menée historiquement outre-Manche et également intégrés dans des outils actuariels d’évaluation du danger conçus outre-Atlantique, en Ontario8, permet d’intervenir plus en amont en examinant le comportement de l’auteur des violences.

La notion de contrôle coercitif, issue du monde anglo-saxon, et désignée en France sous l’expression de « stratégie de l’agresseur », a été réactualisée au début des années 2000 par le professeur Evan Stark9. Également qualifiée de « terrorisme intime », elle se définit par un ensemble d’agissements de micro-régulation et de surveillance imposés au partenaire dans la sphère intime et/ou familiale, se manifestant par des violences de faible à forte intensité, ayant pour objectif et conséquence la privation de liberté et la terreur chez la ou les victimes, qu’il s’agisse de la femme ou des enfants.

Cette notion, qui vient compléter celle d’emprise en se plaçant non plus du côté de la victime et des conséquences de la violence, mais du côté de l’auteur, en s’appuyant sur l’analyse de son comportement, permet de mieux cerner les mécanismes à l’œuvre dans les violences intrafamiliales. Elle permet aussi d’appréhender plus justement la période post-séparation où la violence se perpétue alors que la cellule familiale a volé en éclat, et atteint un niveau de dangerosité extrême. Dans sa thèse issue de l’analyse d’archives judiciaires criminelles de la Cour d’appel de Poitiers, le Dr Alexia Delbreil a démontré que la période qui suit immédiatement la séparation est la plus propice à un passage à l’acte fatal, le pic du danger étant la période de trois à six mois suivant la rupture. L’analyse de la situation antérieure de la victime est d’autant plus cruciale que dans la majorité des cas, aucune violence conjugale n’avait été portée à la connaissance des autorités.

Cette notion a aussi l’avantage d’appréhender la violence au sein de la famille, dès l’apparition des signaux faibles, sans attendre des conséquences graves pour la victime, voire irrémédiables en cas de féminicides et/ou d’infanticides. Elle englobe toute la dynamique des violences, indépendamment de l’emprise, puisque les agissements peuvent précéder l’emprise (la victime n’a alors pas encore conscience de la violence diffuse : appels et messages incessants, surveillance directe ou indirecte, manœuvres d’isolement, micro-régulation de la vie quotidienne sous couvert d’attentions, chantage affectif) ou suivre la séparation en perpétuant les violences par le biais de conduites procédurières notamment en présence d’enfants (violences administratives via des actions en justice sur la garde des enfants), maintien de la surveillance à l’insu de la victime de manière directe (filature ou « stalking », « tracker »sur le téléphone ou la voiture, violation des correspondances) ou indirecte (sollicitation d’informations auprès des enfants ou des proches, plaintes pour non représentation d’enfant), violences à type de menaces de mort, harcèlement téléphonique, dégradations de biens (notamment de la voiture ou du domicile) alors même que le lien affectif est rompu.

L’exacerbation des violences et l’intensité du danger au moment de la séparation et des mois qui la suivent (où le risque féminicidaire est le plus élevé), avec une cristallisation sur la garde des enfants et/ou du chantage au suicide démontrent que tout comportement de la victime ayant pour but ou résultat de se soustraire au contrôle de l’agresseur la place dans une situation de potentiel passage à l’acte.

Des travaux récents menés par la recherche en France10 et en Grande-Bretagne11 permettent de faire le point 1sur l’état des recherches en la matière et les apports de cette notion dans notre compréhension du phénomène des violences intrafamiliales et de la dynamique conduisant au féminicide et/ou à l’infanticide, y compris en l’absence de signalements antérieurs.
 

Enjeux de l’inscription du contrôle coercitif dans le corpus juridique français

Le contrôle coercitif est la grille de lecture la plus complète des violences intrafamiliales en l’appréhendant dans toute sa temporalité et toutes ses conséquences notamment vis-à-vis des enfants. Elle permet de combattre efficacement l’argumentaire du pseudo-concept du syndrome d’aliénation parentale (SAP) utilisé dans le cadre des procédures post-séparation afin de décrédibiliser la femme victime dans le cadre de plaintes pour non représentation d’enfants et de procédures devant le juge aux affaires familiales voire devant le juge des enfants12.

Plusieurs chercheurs (psychologues, spécialistes du psychotrauma, juristes, avocats, professeurs de droit) se sont prononcés en faveur de son incrimination au constat que si l’emprise a été introduite dans le code pénal, c’est de manière incidente (dans le cadre de la levée du secret médical), elle n’est pas définie et ne suffit pas à appréhender l’intégralité des violences ; l’introduction du contrôle coercitif permettrait également de saisir par le droit les violences de faible intensité qui prises isolément sont rarement détectées, comprises, qualifiées et poursuivies ; le cas échéant, elle pourrait constituer une circonstance aggravante comme le mécanisme du suicide forcé aggravant le harcèlement sur conjoint.

Enfin, elle permettrait par effet de renvoi vers le code pénal de préciser les conditions du danger comme critère de l’ordonnance de protection en démontrant que dès qu’il y a des violences, y compris perçues, à tort, comme « de faible intensité », et même post-séparation, il y a nécessité de protection.
 

Propositions d’insertion du contrôle coercitif dans la loi française 

La création d’une circonstance aggravante paraît devoir être écartée pour plusieurs raisons : cela poserait difficulté dans l’échelle des peines, et ne pourrait être pris en compte le contrôle coercitif pour les infractions les plus graves (les violences délictuelles déjà punies de dix ans, l’assassinat, déjà puni de la peine maximale de la réclusion criminelle à perpétuité).

Une infraction autonome de mise en danger

Carole Hardouin-Le Goff, professeure de droit pénal et directrice de l’institut de criminologie d’Assas13 propose le raisonnement suivant : parce qu’il est le révélateur d’un risque pour la survie de la victime, l’on pourrait opportunément l’incriminer à titre autonome comme infraction de mise en danger, ce qui conduirait à l’ériger alors en circonstance aggravante en cas de réalisation d’un résultat tel qu’une atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la victime.

Le délit de contrôle coercitif, s’il devait exister, n’exigerait pas, à la différence du harcèlement conjugal prévu à l’article 222-33-2-1 (qui est une infraction de résultat au contraire d’autres formes de harcèlements comme le harcèlement moral au travail) la preuve d’une altération effective de la santé de la victime.

L’étendue de cette nouvelle incrimination serait donc plus large, constituée par l’atteinte portée à l’un ou plusieurs des droits fondamentaux de la victime et par l’existence d’un état de peur dû à la crainte de représailles ou de violences qui pourraient être exercées contre elle ou contre ses enfants si elle s’avisait de contester. Devrait être rapportée l’intention de l’auteur d’exercer un contrôle sur la vie de sa victime et de l’assujettir.

C’est également la proposition formulée par la professeure de droit Yvonne Muller Lagarde et la psychologue Andreea Gruev Vintila dans leur article en 202114.

L’inconvénient de cette proposition est qu’elle ne permet pas de retenir le contrôle coercitif lorsqu’un résultat est observé. Elle ne permet donc pas de saisir autrement que par l’appréciation du contexte de l’infraction, des comportements portant gravement atteinte à la liberté de la victime. Un correctif cependant a pu être apporté par Carole Hardouin-Le Goff dans un récent article, proposant que lorsque le contrôle coercitif aboutit à la mort de la victime, le terme féminicide puisse être retenu15.

L’insertion d’une définition des violences conjugales dans le code pénal

Le contrôle coercitif comporte une série de comportements objectifs qui peuvent pour certains d’entre eux être qualifiés pénalement (atteinte à l’intimité de la vie privée, violation du secret des correspondances, harcèlement, appels téléphoniques malveillants, violence verbale ou psychologique, vol…) mais qui sont rarement poursuivis en tant que tels ou donnent fréquemment lieu à une orientation inadaptée au danger réel encouru par la victime, en sous-estimant ce dernier (stage de responsabilisation, composition pénale…).

Certains d’entre eux ne sont pas incriminés en tant que tels mais sont des indices sérieux d’un grave danger de passage à l’acte féminicidaire (surveillance ou « stalking », menaces de suicide, actions judiciaires répétées de type plaintes pour non représentation d’enfant ou requêtes devant le JAF).

Enfin, d’autres sont difficiles à détecter (surveillance non physique par le biais de « trackers » ou de logiciels de géolocalisation) ou difficiles à relier à l’auteur (dégradations du domicile, tags insultants, pneus crevés).

Ces comportements visent à maintenir le contrôle sur la victime, y compris après une séparation. Pris isolément, ils peuvent pour le professionnel non averti paraître peu signifiants voire anodins, mais envisagés globalement, ils permettent de caractériser un contexte de terreur au sein de la cellule familiale, et ainsi une compréhension plus fine du phénomène, une prise en compte plus précoce de la situation de violences intimes et une meilleure évaluation du danger.

Le code pénal ne comporte pas à ce jour de définition des violences conjugales ni intrafamiliales, autrement que par le prisme de la circonstance aggravante tenant à la qualité de conjoint, concubin, partenaire civil ou ex-, ou d’ascendant en ce qui concerne les mineurs. La réalité de ces violences et la bonne évaluation du danger rendent opportun d’introduire dans le code pénal une définition des violences conjugales qui définirait le contrôle coercitif et l’emprise, sur le modèle de ce qui a déjà été fait pour les violences psychologiques. Les violences économiques, administratives ou les cyberviolences pourraient utilement être définies pour une meilleure appréhension par les enquêteurs et les magistrats.

L’article 132-80 du code pénal pourrait accueillir ces définitions. L’inconvénient serait que cet article ne concerne que les violences au sein du couple et pas les enfants.

Une autre solution serait un article nouveau, ou, comme sur le modèle d’une loi-cadre un chapitre préliminaire distinct regroupant :
  • les articles de définition ;
  • les infractions applicables aux violences intrafamiliales ;
  • les peines complémentaires ;
  • les dispositions relatives au bracelet anti-rapprochement (BAR) et au téléphone grave danger (TGD).
En somme un « mini-code des violences intrafamiliales », qui pourrait également regrouper l’ensemble des dispositions réglementaires et des circulaires pertinentes en la matière.

L’insertion de la notion de contrôle coercitif dans le code civil

Afin d’éclairer le critère du danger visé par les articles 515-9 et 515-11 du code civil relatifs à l’ordonnance de protection, parfois mal évalué et qui fait obstacle au succès de certaines requêtes voire décourage certaines requérantes, un nouvel article pourrait définir le danger par référence aux éléments du contrôle coercitif et permettrait d’unifier les pratiques et la jurisprudence des JAF.

L’insertion dans l’article 515-9 est possible mais présente le risque de ne pas être suffisamment lisible dans la mesure où l’article 515-11 sert de référence aux décisions.

Un article distinct aurait le mérite de la visibilité. Il pourrait également être envisagé, à l’instar de la loi civile canadienne sur le divorce, d’intégrer une définition plus globale des violences intrafamiliales, qui permettrait également de servir de référence en ce qui concerne l’autorité parentale.

L’annonce par la Première ministre, à l’occasion du plan Toutes et tous égaux le 8 mars 2023, de l’instauration d’une ordonnance de protection immédiate en cas de danger grave et imminent pour la victime, pourrait représenter une occasion idéale pour intégrer à notre droit cette notion éclairante pour l’ensemble des intervenants au contact des victimes, et de leurs agresseurs.

*Marine Chollet est magistrate en administration centrale de la justice, ancienne conseillère en charge de la lutte contre les violences faites aux femmes auprès de la ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes, la diversité et l’égalité des chances.
 

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