Le système actuel de garde à vue jugé contraire à la constitution
Publié le :
29/11/2010
29
novembre
nov.
11
2010
Le Conseil constitutionnel a jugé que les articles 62, 63, 63−1, 63−4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution.
Garde à vue : communiqué de presse de Conseil Constitutionnel
« Le Conseil constitutionnel a été saisi les 1er et 11 juin 2010 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article 61−1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées par M. Daniel W et 35 autres requérants. Ces questions portent sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63, 63−1, 63−4, 77 et 706−73 du code de procédure pénale (CPP) relatifs au régime de garde à vue.
I − Sur le régime de la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées, de terrorisme et de trafic de stupéfiants… : articles 63−4, alinéa 7, et article 706−73 du CPP.
Les articles 63−4, alinéa 7, et 706−73 du CPP, issus de la loi du 9 mars 2004, mettent en place un régime particulier de garde à vue pour la criminalité et la délinquance organisées. La durée totale de la garde à vue peut notamment être portée jusqu’à 96 heures.
Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution à l’occasion de l’examen de la loi du 9 mars 2004 par la décision n° 2004−492 DC du 2 mars 2004. En l’absence de changement des circonstances depuis cette décision, et en application de l’article 23−2 de l’ordonnance organique du 7 novembre
1958, il ne peut donc être posé de QPC sur ces dispositions « déjà déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil ».
Dans sa décision n° 2010−14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil a donc jugé qu’il n’y avait pas lieu pour lui de procéder à un nouvel examen de ces dispositions.
II − Sur le régime de droit commun de la garde à vue : articles 62, 63, 63−1, 63−4, alinéas 1er à 6, et 77 du CPP.
Dans sa décision n° 93−326 DC du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les modifications apportées aux articles 63, 63−1, 63−4 et 77 du CPP alors soumises à son examen. Toutefois, depuis lors, une évolution des règles et des pratiques a contribué à un recours accru à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures.
La proportion des procédures soumises à une instruction préparatoire représente désormais moins de 3% des dossiers. Dans le cadre du traitement dit « en temps réel » des procédures pénales, une personne est aujourd’hui le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l’expiration de sa garde à vue. Celle−ci est devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause. Enfin, le nombre des officiers de police judiciaire est passé de 25 000 à 53 000.
Ces modifications des circonstances de droit et de fait ont contribué à ce que plus de 790 000 gardes à vue aient été décidées en 2009. Elles justifient que le Conseil constitutionnel procède à un réexamen de la constitutionnalité des articles 62, 63, 63−1, 64−4, alinéas 1er à 6, et 77 du CPP.
La garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire. Toutefois les évolutions depuis 1993 doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue et assurant la protection des droits de la défense. Or toute personne suspectée d’avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pendant 24 heures renouvelables, quelle que soit la gravité des faits. L’intéressé ne bénéficie pas de l’assistance effective d’un avocat. Il en va ainsi sans considération des circonstances susceptibles de justifier cette restriction pour conserver les preuves ou assurer la protection des personnes alors que, au demeurant, l’intéressé ne reçoit pas même la notification de son droit de garder le silence.
Le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu des évolutions survenues depuis près de vingt ans, les dispositions attaquées n’instituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la garde à vue. La conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infraction et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée. Le Conseil a donc jugé que les articles 62, 63, 63−1, 63−4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution.
L’abrogation immédiate de ces dispositions aurait méconnu les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infraction et aurait entrainé des conséquences manifestement excessives. Par ailleurs le Conseil ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement. Comme pour la décristallisation des pensions (n° 2010−1 QPC du 28 mai 2010), il a donc reporté dans le temps les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité au 1er juillet 2011 avec, comme conséquence, que les mesures prises avant cette date ne pourront être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Ce délai, durant lequel les règles en vigueur continuent à s’appliquer, doit permettre au Parlement de choisir les modifications de la procédure pénale de nature à remédier à l’inconstitutionnalité constatée. »
Historique
-
Le conseil constitutionnel abroge la liste des avocats habilités à intervenir en garde à vue en matière de terrorisme
Publié le : 21/02/2012 21 février févr. 02 2012ActualitésLe Conseil constitutionnel a rendu aujourd’hui une importante décision en censurant l’article 706-88-2 du code de procédure pénale qui limitait la liberté de choix du gardé à v...
-
Le sénat vote le projet de loi sur les jurés populaires et la réforme des mineurs
Publié le : 05/07/2011 05 juillet juil. 07 2011ActualitésLe texte préconise entre autres l’ouverture des tribunaux correctionnels aux citoyens, et une réforme de la justice des mineurs. Le Sénat a voté lundi par 172 voix contre 153...
-
La cellule, un difficile lieu de culte pour le détenu pratiquant
Publié le : 01/07/2011 01 juillet juil. 07 2011ActualitésLe barreau de Montpellier a organisé la journée des prisons Vingt-huit condamnations dont trois pour traitements inhumains et dégradants. Voilà le peu reluisant palmarès de l...
-
Projet de loi sur les jurés populaires
Publié le : 19/04/2011 19 avril avr. 04 2011Actualités" 6.000 à 9.000 citoyens assesseurs par an " L‘introduction des jurés populaires en correctionnelle, destinée à « mieux associer les Français à l’œuvre de justice« , concernera...
-
Réforme de la garde à vue : Loi n° 2011-392
Publié le : 18/04/2011 18 avril avr. 04 2011ActualitésLe projet de loi n° 2011-392, relatif à la garde à vue, a été adopté par l’Assemblée Nationale et le Sénat le 14 avril 2011. LOI n°2011-392 du 14 avril 2011 relative à la gar...
-
Le système actuel de garde à vue jugé contraire à la constitution
Publié le : 29/11/2010 29 novembre nov. 11 2010ActualitésLe Conseil constitutionnel a jugé que les articles 62, 63, 63−1, 63−4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution. Garde à vue : commu...